Comment l’électricité peut-elle avoir un prix négatif ?

Attention : comme pour le pétrole, il est peu probable que vous ou moi puissions réellement nous faire payer pour acheter de l’électricité. Mais, sur le marché de l’électricité (EPEX : European Power Exchange), les prix négatifs, s’ils restent rares, n’en sont pas moins de plus en plus fréquents. En effet, encore moins que le pétrole, l’électricité ne se stocke pas.
La clé, c’est que, par définition, dans le réseau électrique tout est connecté : les stations de génération (nucléaires, thermiques, hydrauliques, etc.), les câbles à haute tension, les transformateurs, ainsi que tous les utilisateurs, publics ou privés, entreprises ou particuliers. Tout n’est qu’un seul et même circuit électrique (power grid). Et ce circuit doit être à l’équilibre.
Si on injecte trop d’électricité dans le réseau, la fréquence du courant augmente (s’il y a trop de demande, la fréquence baisse). Or, la fréquence du courant électrique, qui est de 50 hertz en Europe, fait partie des spécifications que les producteurs doivent tenir. Tous les appareils électriques sont conçus pour un courant électrique d’une certaine fréquence, et ils peuvent être endommagés si le courant sort des spécifications. Mais en fait, il y a une certaine tolérance : la fréquence est de 50hz en Europe, mais de 60 aux Etats-Unis. Comme vous l’avez sans doute remarqué, votre téléphone portable ou votre ordinateur s’adaptent très bien. Les consommateurs peuvent gérer de petites différences. Le vrai problème se pose pour les générateurs : ils doivent tourner à la bonne fréquence. Si la fréquence électrique baisse, cela a un effet sur la rotation mécanique des alternateurs. Inutile de décrire en détail ce qui se passerait si les parties mécaniques d’une centrale nucléaire ne tournaient plus à la bonne vitesse… Si la fréquence change, la centrale se déconnecte du réseau, faisant subitement et drastiquement baisser la fréquence, amenant d’autres centrales à se déconnecter en cascade, la production électrique s’effondre : c’est le black-out.
Il est donc vital de maintenir en permanence la fréquence de l’électricité du réseau à 50hz. Pour cela, tous les mécanismes sont mis en œuvre. Du côté de la production, la planification est importante, pour tenir compte des cycles annuel (été/hiver), hebdomadaire (lundi/dimanche) et quotidien (3h/21h). Les besoins de base sont assurés par les moyens les moins souples (centrales nucléaires), tandis que pour faire face aux périodes de pointe temporaire, des moyens plus faciles à arrêter et redémarrer (centrales plus petites) sont mis en œuvre. Du côté de la consommation, les clients sont incités à écrêter leur consommation, à leur initiative, ou à celle du producteur, qui peut couper quand il le souhaite. Le marché joue également un rôle en fixant un prix, pour refléter l’offre et la demande.
Ainsi, les prix deviennent ponctuellement négatifs : les producteurs préfèrent payer les consommateurs, plutôt que d’engager des coûts d’arrêt (et de redémarrage) des centrales.
Le problème s’est accentué au cours des dernières années, car les producteurs d’électricité renouvelable bénéficient souvent d’un prix garanti. Ils n’ont donc aucune raison de ne pas produire, s’il y a du vent ou du soleil, même si à ce moment précis, on n’a pas vraiment besoin de cette production…
Puisque la production d’électricité renouvelable ne baisse pas, alors que la consommation totale baisse à cause de la crise du Covid-19, la part du renouvelable est passée de 8 à 12%. Rendant toujours plus probable l’apparition de prix négatifs : dimanche 5 avril, les prix ont été négatifs de 13h à 16h30, chutant jusqu’à -20 euros le MWh pour la France (spot EPEX). Le prix était de -50 euros en Allemagne. C’était le quatrième dimanche à la suite que la situation se produisait.
Ainsi, non seulement EDF voit sa production baisser, mais une partie est vendue à prix négatif.
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